Vincent est notre formateur sur la thématique de l’enduit à la chaux. Il anime un stage de 2 jours dans la Nièvre pour transmettre ses techniques et pratiques autour de l’éco construction et l’éco rénovation. Nous vous partageons un échange que nous avons eu avec lui pour mieux comprendre son parcours, son expertise, son métier et ses valeurs. On espère que ça pourra vous apporter des réponses si vous souhaitez suivre le même chemin ou si vous vous posez des questions sur son (ou plutôt « ses » parce qu’il en a plusieurs) activités !
Présente toi en quelques mots, qui es tu ?
Je suis un indépendant qui a commencé très jeune, j’ai réalisé mon apprentissage et je suis tout de suite parti à mon compte. J’ai vite voulu être autonome que ce soit dans mon travail mais aussi dans les recherches d’évolution de mon métier de maçon. Ça m’a permis de faire des erreurs, d’acquérir pas mal d’expérience, de rebondir et de comprendre les erreurs faites et qui n’auraient pas du être faites.
Est-ce que tu peux nous parler un peu plus de ton métier d’artisan, comment le définis-tu ?
Je n’ai pas un métier déterminé, je ne dis pas demain que je suis juste plombier, électricien ou je réalise de la couverture ou des enduits à la chaux. je dirais que je prends le projet en globalité, ça permet d’anticiper tous les corps de métier et de créer une facilité envers le client.
Est-ce que tu as une spécialité ?
Une spécialité je ne sais pas mais j’ai une préférence pour la réalisation d’enduit en chaux chanvre. Aujourd’hui le chanvre dans la construction doit jouer une partie beaucoup plus importante, l’agriculture doit rentrer en compte dans la construction. En France nous devons être plus autonome avec nos propres matériaux, on a l’agriculture, il suffit d’un peu de bonne volonté pour qu’on s’y mettre.
Nous te connaissons comme maçon parce que tu animes des stages sur la chaux avec fabrikable mais est-ce que tu as commencé comme maçon ou tu faisais quelque chose avant ?
Je suis diplômé en électricité, au milieu du BTS j’ai arrêté et je suis parti à mon compte parce que j’avais déjà beaucoup de chantier à côté. J’ai mis les mains dans la chaux sur mon tout premier chantier où j’ai rénové un gîte complet, j’ai du faire de la pierre apparente. C’est quelque chose qui m’a plu donc j’ai voulu m’améliorer et j’en ai fait mon métier.
Qu’est-ce qui t’a attiré dans ce métier ?
Aujourd’hui on est dans la rénovation et dans la construction dans l’optique de construire pour une décennale. Moi ça me dérange parce qu’un décennale ça veut dire 10 ans or je pense qu’on doit construire pour plus d’une génération. c’est quelque chose qui revient au gout du jour avec la partie écologique bien évidemment mais aussi dans certains matériaux puisqu’ils sont durables. Certains de ces matériaux comme l’enduit à la chaux ne rentreront pas dans l’écologie mais ils permettront de s’inscrire dans le temps et surtout de s’inscrire dans l’histoire.
Tu travailles à ton comptes, es-tu seul dans l’entreprise ?
Oui je suis entrepreneur à mon compte, je suis associé avec ma femme. On a fait le choix de ne pas prendre de salarié parce que le monde du salariat en France est assez fermé et cela coûte très cher à l’entreprise. Le marché de l’apprentissage dans le batiment est quant à lui très compliqué. Aujourd’hui le chaux chanvre, les enduits à la chaux, le fait de pouvoir remonter de la pierre c’est quelque chose qu’on ne voit pas à l’école. C’est pour cela que j’ai décidé d’animer des formations, pour faire découvrir aux gens que le cadre de l’école n’est pas toujours la bonne solution et n’est pas forcément complet, ce qui permet de découvrir et d’apprendre c’est de toujours persévérer et réessayer.
Tu permets donc aux personnes qui le souhaitent de se former à des pratiques oubliées qui demandent un apprentissage
Oui tout à fait, je suis assez loin de la norme, de toute l’application de la norme d’ailleurs. Aujourd’hui pour créer une dalle à la chaux, faire un enduit à la chaux, si on juge que l’enduit est suffisamment costaud, correctement appliqué et qu’il traverse le temps alors pour moi la norme elle est déjà faite.
Tu parles de la chaux, du chaux chanvre… ce sont des matériaux que l’on utilise plus beaucoup aujourd’hui, considères-tu que ton métier est dans l’ère du temps ?
Il y a beaucoup de matériaux qui ont été oublié, comme la chaux. c’est souvent le cas quand un nouveau matériau prend le dessus sur l’ancien, on a mis le ciment à toutes les sauces, malheureusement. On revient aujourd’hui dessus parce qu’on s’aperçoit que le ciment n’est pas la bonne solution, que ça pose problème et qu’il n’a pas sa place dans le bâti ancien. La chaux on l’utilise depuis toujours, aujourd’hui on a la possibilité d’avoir des qualité de chaux qui permettent de modifier, d’agencer beaucoup plus de choses complètes, de faire des finitions plus précises et de mieux travailler dans le vieux bâti.
Quels sont les indispensables pour travailler dans le bâti ancien, dans le batiment en général ?
Il faut être patient, l’argent n’est pas toujours la solution. J’ai passé beaucoup de chantier à faire des choses sans que l’argent ne soit le moteur. j’ai de petits chantiers et des plus gros qui réalisent de 150 à 200 000€, voir plus. Aujourd’hui ce n’est pas pour ça que je ne prends pas des petits chantiers, des chantiers qui me tiennent à cœur. J’ai par exemple un chantier à Vézelay, dans un endroit magnifique où l’on a jamais eu l’eau courante, je serai le premier à l’installer dans ce bâtiment, le cadre est assez magique !
Tu t’es formé sur le terrain ou tu as fais des formations au cours de ta carrière ?
J’ai jamais réalisé de formation, j’ai toujours fait au fur et à mesure. J’ai surtout cherché à chaque fois dans la manière dont je travaillais et la manière d’appliquer les enduits, réaliser le chaux chanvre à faire énormément d’essais, sur les proportions. J’ai volontairement testé des dosages de mortier chaux en ajoutant des seau d’eau supplémentaire, en enlevant de la chaux et en essayant de l’appliquer pour voir ce que ça fait. Pareil pour le chaux chanvre, ça nous a permis de déterminer des temps de séchage, des proportions plus intéressante que d’autres. La partie théorique fait une bonne base mais la pratique a toujours plus de valeur.
Donc un apprentissage pratique qui t’a permis de renforcer tes connaissances. C’est d’ailleurs ce qui est proposé dans le stage d’enduit à la chaux que nous proposons, les personnes viennent et peuvent faire leurs erreurs pour apprendre de cette manière la.
Il faut faire des erreurs, on recommencera d’ailleurs surement les mêmes erreurs pour pouvoir évoluer.
On sent que ton métier t’apporte un sentiment de liberté, est-ce que c’est ce que tu préfères dans ce métier d’artisan ?
Moi je n’ai jamais été embauché, j’ai été en apprentissage et j’avais déjà énormément de liberté dans mon travail. Aujourd’hui je me qualifie en tant qu’entrepreneur, je ne suis pas un artisan, je ne suis pas ciblé sur un métier précis, je ne le fais peut être pas à la perfection mais l’ajout de tous mes corps de métier me permet d’avancer, de créer une facilité pour le client. Le fait que je contrôle tous les corps de métier me donne une souplesse importante, tous les devis peuvent être signés et on peut toujours modifier en cours si on a la capacité de comprendre tout ce qu’on réalise et tout l’enchainement qui crée une facilité. C’est toujours une découverte, tous les chantier sont différents.
Comment ton métier a évolué ces dernières années ?
Le métier évolue, pour moi physiquement il n’évolue pas beaucoup. Je suis toujours resté sur l’utilisation de matériaux simple, j’utilise un simple échafaudage. On va projeter à la main, on va le faire au fur et à mesure, il faut prendre le temps. Aujourd’hui je n’évolue pas comme certaines entreprises où l’on va avoir d’avantages d’outils mécaniques, motorisés. Le but c’est toujours de faire quelque chose d’intelligent et de recherché. C’est surtout sur le choix de mes matériaux où je vais utiliser les matériaux qui ont le moins de plastique, même pour la contenance, que ce soit pour l’approvisionnement, pour le transport. La chaux est très gourmande en eau que ce soit pour la réalisation, le nettoyage ou la finition, donc dès qu’on peut ne pas tirer sur l’eau de ville on va utiliser l’eau de source de manière à laisser le chemin naturel de tout ce qui se passe autour de nous.
Comment tu imagines ton métier dans 5 ans ?
Je pense que dans 5 ans j’aurais surement plus de machines parce que je suis tout seul et il faut être autonome. Dans 5 ans je vais plutôt rechercher à former du monde, des gens qui vont vouloir être compétents parce que on peut avoir toutes les machines du monde, si on est devant avec 3 personnes qui sont non qualifiées on engage une sécurité qui n’est pas bon pour les gars, le chantier n’avancera pas plus vite et on est sur que le résultat sera très mauvais.
Est-ce que c’est difficile d’être artisan en 2022, selon toi ?
Oui je pense que c’est difficile d’être artisan en 2022. Moi je suis resté individuel donc je n’ai pas eu de problème de trésorerie ou autre, on a pas cessé de travailler. Il n’est pas question qu’on reste à la maison ou qu’on soit en arrêt, il n’y a pas d’arrêt de travail, il n’est pas question d’en avoir. C’est une question de tous les jours, il faut savoir se reposer. Le fait de travailler en individuel nous permet de faire ces choses la, se reposer quand le corps en a besoin. Ça nous permet d’avancer, nous aujourd’hui on ne prend jamais de vacances, c’est vraiment une volonté de toujours vouloir avancer. On est pressé par le temps et il y a toujours beaucoup de demande mais on fat la pat des choses
Est-ce tu aurais un conseil pour quelqu’un qui voudrait se lancer dans l’éco construction ?
Je lui dirais qu’il faut du courage parce qu’il y a un peu de tout et n’importe quoi. La meilleur manière de faire des matériaux bio sourcés, sans la pollution que l’on est capable d’engendrer, c’est d’acheter le matériau au plus court. On s’aperçoit que ce sont les matériaux qui marchent le mieux. Il est important de se renseigner, aller voir les magasins qui sont dans l’éco construction est une bonne chose. Peut-être que certains matériaux sont cher mais si on construit pour 80 ou 100 ans si le prix du matériau est 1,5 fois le prix d’un autre moins durable ce n’est pas choquant.
Pour terminer cet échange je voulais revenir sur quelque chose que tu m’as dis aujourd’hui, tu m’as dis que tu n’intervenait pas si le batiment avait moins de 150 ans, peux-tu nous en dire un peu plus ?
C’est une volonté d’intervenir dans des bâtiments assez ancien, plus il est ancien mieux c’est. S’il y a des bâtiments dans lesquels je préfère intervenir, en 1500 et des poussières on a fait des choses plus recherchés, ce qui n’a pas été le cas après. La maison en colombage aujourd’hui est pour moi une alternative, plus que la maison en ossature bois qui pose réellement des problèmes de dépollution. Aujourd’hui on la met moins en œuvre pour des questions de pratique. On a très peu de charpentier, les maçons n’ont pas appris ce montage la donc c’est assez difficile
Voilà la retranscription de mon échange avec Vincent, spécialiste en éco construction et éco rénovation dans la Nièvre, et ailleurs puisqu’il se déplace dans toute la France. J’espère que ça a pu vous apporter des réponses, des idées, des inspirations. N’hésitez pas à nous faire vos retours en commentaire !
J’en profite pour ajouter que si la chaux vous intéresse et que vous souhaitez apprendre à la manipuler nous proposons un stage sur l’enduit à la chaux à Nevers (58). Contactez nous par mail ou par téléphone (07 49 47 17 14) si ça vous intéresse !
Ghislain, fondateur de fabrikable 🔨
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